lundi 25 juin 2007
Jeux & mathématiques
samedi 16 juin 2007
Théoriser sa création
C’est en ayant constamment à l’esprit ce thème central, moelle épinière qui guide la logique de création, qu’on peut choisir entre ce qui est primordial, c’est-à-dire ce qui fait avancer le jeu, et accessoire, voire nuisible, à savoir ce qui ne sert pas cette logique, ou même la dessert. C’est aussi le plus sûr moyen, au prix certes de quelques efforts supplémentaires en amont de la création, d’éviter de longues phases de tests et de béta qui servent souvent non pas à corriger, mais à créer des équilibres auxquels se s’est pas donné la peine de trouver un centre de gravité. En effet, sans ligne de force, on navigue à vue, et on n’appréhende jamais la création dans sa globalité, la retouche d’un facteur du jeu conduisant à la retouche d’un autre, puis d’un autre, sans fin. Cet empirisme est particulièrement visible dans les suites de jeux à succès sensées corriger les errances d’un premier opus mal pensé.
Ce n’est qu’en se posant les bonnes questions qu’on peut trouver les réponses adéquates. Mais encore faut-il s’en poser.
mercredi 13 juin 2007
Penser les jeux en ligne
Si le jeu en ligne est un jeu vidéo, c’est une sous-espèce qui n’a que peu de points communs avec son parent solitaire. En effet, même ses pionniers étaient munis d’outils de chat pour faire du jeu en ligne une expérience collective, une microsociété parallèle. Depuis, certaines fonctionnalités impensables dans un jeu vidéo ont été inventées pour profiter du fait de jouer en même temps au même jeu.
Des animations, sortes de défis temporaires organisés par des maîtres de jeu pour dynamiser et renouveler le schéma porte-monstre-trésor des jeux en ligne, ont ainsi été implémentées. Le PvP (Player versus Player), privilégie les affrontements entre joueurs là où le PvM (Player versus Monster) régnait en maître autrefois sur les jeux de salon. Enfin de véritables personnes incarnent les monstres d’importance ou PNJ (Personnages Non Joueurs) afin de suppléer à la bêtise artificielle par l’intelligence naturelle. Mais ces solutions sont accessibles principalement aux jeux professionnels en raison de leur coût.
Le vrai défi est de penser le jeu en ligne autrement que comme une transposition ‘massivement multijoueur’ de jeux ‘localement multijoueur’, à fortiori de jeux solitaires. On se rappellera en effet que le LAN, jeu par réseau, possédait déjà des outils de chat, et que le PvP n’a pas attendu Internet pour arriver. Ce défi est véritablement donc de penser un jeu sans fin, qui ne peut éternellement se renouveler. Ni WOW ni Everquest n’ont proposé de solution, le jeu s’arrêtant quand on atteint un certain niveau.
En effet, un des problèmes majeurs des jeux en ligne est la cohabitation des joueurs. La limitation de niveau n’empêche pas les débutants de se faire occire en trois coups par les anciens joueurs du camp adverse dans un jeu PvP. Du coup ont été créées des cartes spéciales pour les nouveaux joueurs. Mais cela ne fait que retarder l’échéance et confirmer des problèmes de conception.
Un élément de solution serait donc de penser chaque élément le jeu en ligne comme une interaction avec les autres mécanismes, avec les autres joueurs. Dés lors les nouveaux joueurs pourraient s’intégrer si des tâches spécifiques leur sont dévolues, si des règles spéciales les protègent, et surtout si des quêtes collectives, qui ne font pas appel à la puissance du personnage, mais à son astuce et à l’entraide et à la collaboration au sein de son peuple. Les quêtes pourraient en outre être construites à partir des joueurs eux-mêmes : par exemple un personnage est tué par un autre qui avait comme quête de le défier, cela provoque une possibilité de quête de vengeance pour le premier (la mort n’est pas définitive…), qui génèrera une enquête pour un troisième, etc.
C’est en tout cas ce genre de piste que j’explore actuellement dans mes créations.
mardi 12 juin 2007
Qu'est-ce que créer ?
Créer, c’est jouer à Dieu.
lundi 11 juin 2007
Jeux & jeux vidéo
Si on réunit souvent les deux genres en France dans le même dédain, les joueurs des premiers étant jugés attardés, ceux des seconds autistes, on les oppose souvent du point de vue social : le jeu sur ordinateur serait une activité solitaire et compulsive, alors que les jeux de société auraient un rôle social et éducatif. Le jeu vidéo ne reprend l’avantage qu’en termes économiques, où l’on ne cesse de louer une industrie ‘qui pèse plus lourd que celle du cinéma’ et où les français excellent.
dimanche 10 juin 2007
Pourquoi joue-t-on ?
Bien d'autres avant moi on essayé d'y répondre. Je ne me risquerai donc pas à apporter de réponse définitive, mais plutôt mes réflexions, en écho de celles qui m'ont précédé. Pour Bruno Faidutti, créateur français de jeux de société, on joue bien abrité par les règles 'contre l'angoisse du monde', en quoi il est tout à fait dans la notion chrétienne du divertissement, du latin 'divertere' : détourner de la peur de la mort pour les uns, de Dieu pour les autres.
Mais étymologiquement, le jeu vient de joie. On jouerait donc d'abord pour se faire plaisir : "c'est pour rire" disent les enfants. En effet, si un jeu 'c'est avant tout des règles', comme le dit le créateur américain de jeux de société Alan Moon, alors le plaisir du jeu est profondément celui de la transgression. Edward Murphy prétend même : 'l'amour du jeu est tellement universel et sa pratique tellement agréable, que cela doit être un péché'. Rejoignant finalement, certes avec humour, la conception judéo-chrétienne du jeu : activité futile par excellence, qui détourne de ce qui est important.
Sigmund Freud, pour qui 'l'opposé du jeu n'est pas le sérieux mais la réalité', fait déjà un pas de côté. Certes le jeu est un échappatoire, mais ce n'est pas en soi une activité moins estimable, moins nécessaire à l'homme qu'une autre, sous prétexte qu'elle est plaisante. Il sait, comme nous, que le rire est le propre de l'homme. Schiller prétend même que 'l’homme ne joue que là où dans la pleine acception de ce mot il est homme, et il n’est tout à fait homme que là ou il joue'. On sort donc avec lui de la conception, à la fois négative et passive de passe-temps, à la conception positive et active, qui permet à l'homme de dépasser, mais aussi d'éprouver le meilleur de sa condition d'humain en exerçant sa liberté. Les règles sont alors autant un carcan qu'une possibilité de transgression, de faire enfin ce qu'il est interdit dans la vie de tous les jours : tuer, voler, dominer le monde.
Et si la futilité même de cette activité était la clef de sa raison d'être ? En effet, tous les animaux grégaires jouent, et les biologistes s'accordent à le considérer comme une éducation à la vie sociale. Mais pour l'homme, il est plus encore un moyen d'expression, un exutoire aux tensions de la vie en société, une catharsis. En effet, les règles existent pour mettre tous les joueurs à égalité, même si chacun aura soin de rompre cette égalité pour l'emporter. Chacun en jouant à ainsi la possibilité d'obtenir 'une redistribution des cartes' de l'échelle sociale, d'être placé face à son destin, avec tous les éléments en main pour l'améliorer, et d'exercer sa liberté d'être humain face au monde schématisé par les autres joueurs. Et si l'on échoue malgré tous ses efforts, personne n'oubliera que 'ceci n'était qu'un jeu'. Mais si on l'emporte, on aura alors droit quelques instants à échapper à sa condition humaine.
Le jeu génère le rire et ce faisant libère l'homme de ses angoisses ; il lui fait partager ces moment de joie avec ses proches, et resserre ainsi ses liens sociaux. Alors le jeu activité sociale par excellence ? Profondément humaine en tout cas.
A consulter :
Le jeu, figure de la liberté
Le jeu contre l'angoisse du monde