mardi 29 janvier 2008

La saga des jeux vidéo


Ecrit comme un roman, dont le personnage principal serait Philippe Ulrich, ce livre est un peu schizophrène, et une fois n’est pas coutume, je commencerais par les défauts. En effet, cette saga, très justement nommée, est un mélange de panégyrique doublé d’un constat effarant, à la fois admiratif et ironique, sur le manque de professionnalisme de ce métier. On sent que l’auteur a été fasciné par son sujet, au point de se faire, comme souvent dans les biographies hagiographiques, happés par les sentiments des personnages mis en scène. Il délivre donc des bons et des mauvais points en fonction du concours ou de l’opposition dont font montre les figures secondaires envers les protagonistes. David Bishop est ainsi présenté comme un « tyranneau », despote et outrecuidant, face à un Philippe Ulrich créateur exalté et visionnaire.

Emporté par la fascination, Ichbiah s’essaye à des ouvertures de chapitres pleines d’un lyrisme naïf et déconcertant. En outre, très prolixe en détails, l’auteur confie souvent des anecdotes grotesques (tel programmeur se nourrirait exclusivement de verres de lait et de biscottes) qui participent involontairement au caractère extraterrestre du sujet. Et l’on ne sait plus parfois si l’auteur manque à ce point de recul par identification fusionnelle avec ses personnages, ou si ce sont ces derniers qui apparaissent comme tels par déteinte de l’auteur sur eux. On ne sait donc jamais si on doit lire les innombrables excentricités de Philippe Ulrich avec fascination ou inquiétude. Un peu des deux sans doute.

Le livre a été réactualisé au début des années 2000 et, fort de son expérience du sujet, l’auteur se laisse aller pour la première fois à des jugements sévères sur certains gestionnaires comme Nicolas Gaume, qui apparaît pourtant pour la première fois dans le livre, ou des pronostics définitifs, comme la victoire de Sony sur Nintendo. C’est sans aucun doute la partie la plus faible de l’ouvrage, qui détonne avec la ferveur des pages précédentes.

Vous l’aurez compris, la grande qualité de cet ouvrage réside justement dans ses faiblesses ainsi que dans son homothétie avec son sujet : le jeu vidéo. En effet, on apprécie particulièrement la spontanéité et la ferveur du discours, ainsi que le respect que le livre manifeste, jusque dans leurs erreurs, pour les protagonistes de cet univers irréel où l’on ne sait qui l’emporte, qui est la plus débridée, de la créativité ou de l’incompétence.

Un livre qui ne vous décrit rien, mais qui vous projette littéralement dans les 30 dernières années du jeu vidéo, et dont on sort tout déboussolé, comme après une séance de réalité virtuelle. Un plongeon partiel, partial et totalement subjectif, et pourtant essentiel car tellement vivant, dans l’univers vidéoludique vu par ses bâtisseurs. Un régal.

La saga des jeux vidéo : de Pong à Lara Croft de Daniel Ichbiah, Vuibert 2004, 410 pages, 22 €

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