dimanche 19 septembre 2010

Le jeu des perles de verre

Pavé qui a valu à son auteur le prix nobel de littérature en 1946, Le jeu des perles de verre est une utopie, même s'il s'agit de notre monde, et une uchronie, même si l'on sent gronder la menace de la guerre. Il dépeint une caste (le nom du pays est d'ailleurs traduit par Castalie) entièrement dévouée à l'étude et dont le jeu des perles de verres constituerait l'art suprême. Ce jeu, dont on ne connaîtra jamais les règles, mêle mathématiques, physique, philosophie, musique et linguistique, les sciences et les arts majeurs pour Hesse, en un mélange de créativité et de contemplation, qui remplirait l'âme des joueurs et des auditeurs de paix et de perfection. 

Si l'écriture est fluide, le récit à la troisième personne d'un maître des jeux, qui tient plus du saint homme que du héros romantique, en fait un roman édifiant et froid comme une cathédrale. On se sent d'autant plus étranger à cette utopie que la Castalie n'est pas plus accueillante que le reste du monde, et la pratique de ce jeu sublime n'empêche ni les coup bas ni les luttes de pouvoir intestines dans le petit état. Dès lors cette occupation apparaît vaine et superficielle, voire décadente. Bâti comme un rapport hagiographique d'intimes sur le héros principal Joseph Valet, le livre rassemble en outre, dans une ultime partie, ses écrits, sorte de vies antérieure du saint homme. Mais l'ensemble reste purement intellectuel et on se sent bien indifférent à cet idéal d'élitisme que décrit l'auteur.

Concernant le jeu, celui-ci est seul à même de sublimer "la précarité de tout résultat et le caractère problématique de toute création de l'esprit humain" (p. 359). En effet ce jeu supérieur réunit la sagesse orientale servie par une hiérarchie et des rites ecclésiastiques, il transcende les sciences et les arts en un tout harmonieux qui est à la fois un jeu solitaire et un acte de communion universelle, tout la fois spiritualité profane et joie religieuse, symbolisant la perfection de l'esprit humain détaché des contingences du monde. Le caractère ludique est le gage d'un constant renouvellement, d'un savoir qui ne doit jamais se reposer sur de l'acquis, donnant ainsi la première place à la créativité, à la révélation de la personnalité des joueurs et à leur communion avec l'univers.

Le jeu comme solution des arts et des sciences... beau programme, n'est-ce pas ?

Le jeu des perles de verre de Herman Hesse, Librairie Générale Française 1999, 693 pages, 8 €.

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