dimanche 1 avril 2012

Jeux de princes jeux de vilains

Catalogue de l’exposition organisée par la bibliothèque de l’Arsenal et la Bibliothèque de France, Jeux de princes jeux de vilain est un panorama des jeux du Moyen Âge à nos jours. Rassemblant des travaux de conservateurs et d’historiens indépendants, le sujet s’insère dans l’Histoire de la vie privée des Français initiée par le Marquis de Paulmy en 1779, installé à l’Arsenal, et qui devait consacrer un de ses volumes aux jeux. Cet esprit muséologique gouverne des contributions plus descriptives qu’analytiques, consacrées pêle-mêle à des jeux précis (échecs, dames, l’oie) à des types de jeux (cartes, jeux d’argent, jeux pédagogiques), aux lieux des jeux (Cour, salons), à des époques (Moyen Âge, époque moderne), mais pas à l’acte de jouer lui-même.

Plutôt que d’établir un fil directeur autour de l’exploration de l’activité ludique, voire des jeux d’autrefois, le propos part d’objets épars : jeux, peintures, traités, mobilier, accessoires et les explique. Le jeu n’est que le dénominateur commun mais pas le sujet de l’ouvrage : il s’agit seulement de replacer l’objet dans son contexte, et non de comprendre celui-ci. C’est d’autant plus regrettable que les participations ne lient pas les jeux entre eux, pas plus qu’ils ne dialoguent avec eux : on peut ainsi lire dix pages sans illustration, puis dix pages d’illustration sans rapport direct avec la communication. Enfin la présentation, très luxueuse, n’est manifestement pas pensée pour son objet : la police, trop petite, gêne la lecture, certains objets commentés ne sont pas représentés faute de place, et les notices descriptives sont souvent trop longues et peu pertinentes.

Ainsi par exemple 3 dés très originaux sont présentés : on sait leur taille, le matériau, le musée qui les abrite, mais rien de leur usage. Le minimum critique n’y est pas : aucune mention sur le contexte de découverte, pas de commentaire sur la disposition des faces, ni sur les concordances entre les figures de l’un et le nom de celles en usage aux osselets (le chien, Vénus…). Pourtant la question morale du jeu, comme le lien entre le jeu et les autres plaisirs (vins, amour, gourmandise…) est très présent et aurait pu servir de problématique à cette étude. Bref, l’objet jeu est bien là mais l’activité et l’esprit en sont absents : l'attrait du premier ne va guère au-delà de l’exotisme qu’il inspire. Et on se met à douter que l’exposition soit beaucoup plus que le prétexte à valoriser les collections des bibliothèques organisatrices.

Les contributions ne sont pas de mauvaise qualité pour autant, en tout cas bien plus intéressantes que celles qu’ont inspirées les collections du Musée du jeu, et leur sujet, parce qu’il ne se limite pas aux seuls jeux-objets, est tout à fait intéressant. Enfin la participation de Jean-Marie Lhôte, qui s’éloigne des objets au profit de leur symbolique et de leur signification, est empreinte de cette passion qui fait un peu défaut aux autres. Un catalogue décousu mais où sont renfermées nombre de trouvailles pour qui saura les chiner.

Jeux de princes jeux de vilains sous la direction d’Eve Netchine, Seuil 2009, 160 pages, 38 €. 

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